Maxime GONZALES
Artiste accueilli en résidence de mars à juin 1995, Maxime GONZALES est né en 1958.
C’est un après-midi maussade qui s’écoule goutte à goutte. Dans l’air, les derniers échos d’une saison incertaine mais sans aspérité apparente. Je suis parti sans prévenir personne, sans rien emporter. La vitesse qui rassure un peu. Je n’ai aucune idée des kilomètres parcourus. J’ai quitté l’autoroute sans trop savoir pourquoi. Peut-être déjà vaincu par une fatigue bizarre. Comme une fin de course programmée.
Quelques constructions résignées d’une zone industrielle. Je me dirige vers cet hôtel qui porte sa banalité scotchée comme une étiquette. Un homme âpre et épais me donne un code d’accès. J’essaie de lui parler, sans trop savoir que lui dire. Mais il semble bien que la seule préoccupation qui l’accapare, c’est la lenteur avec laquelle il déplace son corps vêtu d’un costume sombre.
La chambre au premier étage. Couloir bleu. Un cube exigu. Des gestes calculés. Ce mal au crâne qui ne disparaîtra qu’à force d’aspirine. Sur une tablette, un imprimé qui détaille les services de l’hôtel. Je le lis à haute voix. Comme pour remplir un vide. Puis chercher le silence. Retrouver ce poids au fond de moi. J’entends rire. Dans la chambre à côté. Je ris aussi, sans raison. Mon visage dans le miroir au-dessus du lavabo me surprend, d’une certaine manière m’inquiète. Cette pâleur grisâtre. Ce bouton violacé à la racine du nez. Suspect ou coupable ? Ce n’est qu’une affaire d’aveux.
Dehors un paysage sans vérité propre. Tout s’interpénètre sans pudeur en un mélange non pas impur mais sans particularité. Se perdre ou s’aguerrir au contact de ce paysage, de sa fadeur mortelle ? Le choix est-il encore possible ? Sur la moquette, l’auréole d’une tache qu’on a essayé d’effacer. Comme une île incongrue. Je passe la fin de l’après-midi à regarder des images muettes sur l’écran du poste de télévision. La peur rôde autour de moi. La peur de passer une éternité dans un lieu que je n’ai pas choisi, qui m’isole du monde extérieur. Elle restera menaçante aussi longtemps que le sommeil ne sera pas venu. Je tire les couvertures sur ma tête. Le corps en boule, une main glissée sous l’oreiller : en quête de quelle protection ?
Toute ma vie n’a été qu’une lente descente vers cette chambre, cette idée de quelque chose d’abandonné, de quelque chose qui se désagrège, de l’usure conjuguée du temps et de l’espace.
Didier ARNAUDET

Edition réalisée dans le cadre de la résidence à Pollen – Epuisée –
Plaquette 8 pages 11 x 22 cm
3 photographies
Texte : Didier Arnaudet