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Marika BUHRMANN

Artiste en résidence à Monflanquin Octobre à Décembre 1997
Née en 1971 à Moulins. Elle vit et travaille à Nantes. 

« Noli me Fangere »

J’ai demandé à la couturière
Qui réalisait les robes de cérémonie
Des petites filles de la famille
De confectionner une robe de feutrine blanche.

C’est une robe simple,
Une sorte de fourreau qui enveloppe mon corps
Et entrave légèrement mes gestes.

Ma meilleure amie m’ouvre sa chambre
Et j’y invite un garçon
Avec qui je n’ai pas de relation privilégiée
A talquer la robe de feutrine blanche
Lorsque je la porterai pour la première fois.

De quoi est-il donc question ? De murmures et d’attentes
De ce qui ne prend consistance que par l’échancrure.
Du corps féminin comme promesse du regard ; de transparence et d’obstacle.
De l’enveloppe qui dissimule mais aussi révèle.
De matières enrobantes : bande plâtrée, feutrine, poudre, ouate artificielle, paraffine.
De douceur étalée, désirée. De formes brèves, organiques. De couleur chaire.
De l’empreinte d’une étreinte. De rencontres recherchées. 
Comme des denrées émotionnelles. L’opération première consiste ici à faire émerger des signes d’une qualité d’intimité qui semble répondre à une constante imitation à d’alléger, à se multiplier et à se recréer ? Ce qui en résulte, c’est une présence brisée, discontinue, réduite à des vibrations, des résonances, à quelques indices indispensables. Une présence sans allure démonstrative, qui ne cède un peu de son histoire, de sa substance que dans une approche qui accepte que l’évidence devienne énigme. Marika BUHRMANN pense le monde comme un corps et développe cette pensée dans la distance qui sépare ou relie son corps et celui de l’autre.
Elle provoque des situations troublantes, troublées, articulées autour de possibilités de relations, de nœuds de désirs : être en face de l’autre, être dans l’autre, être avec l’autre ou être contre l’autre. L’expérience se pratique sur le fil du rasoir c’est-à-dire avec l’intention de porter les choses à leur limite, de prendre le risque de chavirer, de perdre pied. A quoi donne accès cette expérience ? A la minceur de cette membrane secrète qui oppose et rapproche l’apparition et la disparition, la mesure et la dépense en pure perte, l’équilibre et le chaos, l’innocence et la souillure, l’élévation et la chute. De là découle ce sentiment d’une communication sur le mode de la déchirure qui porte à la surface ce qui s’agite dans les profondeurs.
Marika BUHRMANN ouvre le corps à l’aventure si fragile de la parole comme accord de la matière et de la lumière, de l’ancrage ordinaire et de l’insaisissable.
Cette parole imparfaite, hésitante, avancée dans l’incertitude, se heurte à ce qui l’entoure mais puise dans cette épreuve une forme élémentaire, susceptible d’accueillir le désir de l’autre. C’est à l’autre que cette parole s’adresse, à la condition précaire de son existence, à la tension extrême qui manifeste son intimité. C’est une présence qu’elle sollicite mais c’est aussi comme une présence qu’elle tente de se dire et qu’elle attend d’être entendue.

Didier ARNAUDET

Marika BUHRMANN
Artiste en résidence à Monflanquin Octobre à Décembre 1997
Catalogue 16 pages + couverture – 21 x 16,5 cm – Epuisé –
4 photographies
Texte : Didier ARNAUDET