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Daniel FARNAUD

Artiste accueilli en résidence  en 1993.  Daniel FARNAUD vit et travaille à Nice.

« Ce vide-là
Je suis parvenu subitement, aujourd’hui, à une impression absurde et juste. Je me suis rendu compte, en un éclair, que je ne suis personne, absolument personne. « 
Fernando PESSOA

Ce vide-là, ce n’est pas rien. 
Jamais vide n’a été aussi peuplé. Mais ils l’ignorent. Ils s’agitent autour mais sans prêter aucunement attention à ce territoire que sa simplicité et son dépouillement ont su rendre invisible. Moi, je m’étonne d’y avoir si vite trouvé mes habitudes. Parfois ils s’y cognent mais ils n’ont pas la curiosité de chercher à comprendre. Ils oublient l’incident et s’inventent d’autres problèmes. Comment peuvent-ils faire pour ne rien voir ? C’est faux de dire que rien ne bouge. Ce vide frissonne comme un océan rempli à ras bord d’étranges électrons. Il m’arrive d’en rapprocher quelques uns. Il se crée alors autour d’eux une sorte de nuage. J’y devine l’idée de glissement des vaisseaux hybrides d’une lointaine base spatiale ou l’audace fatale des tons sur lesquels la souffrance physique n’a pas de prise. Ils n’entendent rien non plus. J’ai donc depuis longtemps cessé de crier.
Je partage avec le vide ce murmure qui m’entoure de plus en plus de sa compréhension. Je me sens ainsi comme chez moi. Je me demande même ce qu’il y a en dehors de ce vide. J’interroge parfois cet électron qui ressemble à s’y méprendre au coyote du dessin animé que je regardais autrefois. Il y a toujours ma même réponse : -”Le vide confère existence, relation et masse à la matière. C’est l’être le plus fabuleux de la physique et en même temps, il a des qualités extraordinaires de modestie car personne ne se rend compte de son existence”. Ils n’ont parfois rien d’autre à faire et s’aperçoivent alors que je suis encore là. Ils s’en inquiètent et m’assiègent de leurs peurs, de leurs doutes. Je ne laisse rien pénétrer. Ils cherchent la faille, la fissure de ce bloc de silence. Je ne cède pas. Ils ne s’intéressent pas au spectacle du vide. Ils ne se rendent même pas compte qu’ils affolent les électrons. Ils exigent maintenant mon nom. Mais quel nom ? Je n’ai jamais songé à nommer ce vide-là. Je n’ai nullement envie de quitter cette transparence idéale et je n’ai donc que faire d’une carte d’identité.

Didier ARNAUDET

Edition réalisée dans le cadre de la résidence à Pollen – Epuisée –
Plaquette : 8 pages – 11×22 cm
Texte : Didier Arnaudet